Par ludovic.revert-cherqui

 

Le syndic, pour les besoins de l'administration de l'immeuble, détient l'ensemble des documents et archives du syndicat des copropriétaires, nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Le syndic par ailleurs dispose des fonds du syndicat des copropriétaires, pour faire face aux dépenses de l'immeuble.

Par principe, le syndic doit, lorsqu'il a cessé ses fonctions, transmettre ces documents, ainsi que les fonds, au syndic qui lui succède.

La communication de ces éléments, entre les syndics successifs, a longtemps été l'occasion de divers difficultés et dysfonctionnements, auxquels le législateur a entendu mettre un terme.

Ainsi, la loi a instauré un Art. 18-2 dans la loi du 10 juillet 1965, prévoyant les modalités et délais de cette transmission, loi d'ailleurs récemment modifiée le 12 mai 2009, dans le sens d'un renforcement du dispositif à l'encontre des syndics récalcitrants.

I. L'obligation du syndic sortant, de restitution des fonds et documents du syndicat :

A. Le principe de la transmission du syndic sortant au syndic nouvellement désigné

Il résulte de l'Art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 que l'ancien syndic doit remettre à son successeur, les pièces et fonds disponibles, selon des modalités d'autant plus impératives, que cet article de la loi, est d'ordre public.

L'Art. 18-2, dispose :

"En cas de changement de syndic, l'ancien syndic est tenu de remettre au nouveau syndic, dans le délai d'un mois à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, la totalité des fonds immédiatement disponibles et l'ensemble des documents et archives du syndicat. Dans l'hypothèse où l'ancien syndic a fait le choix de confier tout ou partie des archives du syndicat des copropriétaires à un prestataire spécialisé, il est tenu, dans ce même délai, d'informer le prestataire de ce changement en communiquant les coordonnées du nouveau syndic.

Dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai mentionné ci-dessus, l'ancien syndic est tenu de verser au nouveau syndic le solde des fonds disponibles après apurement des comptes, et de lui fournir l'état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndicat.

Après mise en demeure restée infructueuse, le syndic nouvellement désigné ou le président du conseil syndical pourra demander au président du tribunal de grande instance, statuant comme en matière de référé, d'ordonner sous astreinte la remise des pièces et des fonds mentionnés aux deux premiers alinéas ainsi que le versement des intérêts dus à compter de la mise en demeure, sans préjudice de tous dommages et intérêts".

Il doit être précisé que ce texte vise "l'ancien syndic", et non pas seulement le syndic prédécesseur (CA Paris, 14e ch., sect. B, 27 févr. 2009, no 08/15815).

Ainsi, la Cour d'Appel de Paris a jugé que le fait qu'un administrateur provisoire ait été désigné en remplacement du syndic de copropriété d'un immeuble, n'empêche pas le nouveau syndic finalement nommé, de réclamer à l'ancien les fonds et documents du syndicat des copropriétaires (CA Paris, 14e ch., sect. A, 4 janv. 2006, no 05/18411).

Il a par ailleurs été estimé par la jurisprudence, qu'il appartient à l'ancien syndic de s'assurer de la restitution de l'ensemble des archives nécessaires à la gestion de l'immeuble, qui seraient même éventuellement détenues par des tiers (Cass. 3e civ., 5 oct. 2004, no 03-14.138).

Notons à ce propos que le décret du 20 avril 2010 prévoit que la détention des pièces par une société d'archivage, ne dispense pas le syndic du respect de son obligation de transmission.

B. Le contenu de l'obligation de restitution

* la remise des documents et archives :

Dans le délai d'un mois suivant le terme de son mandat, l'ancien syndic doit remettre à son successeur, l'ensemble des documents et archives du Syndicat en sa possession.

Il sera d'ailleurs précisé à ce sujet que le décret du 27 mai 2004 a souhaité formaliser l'obligation de communication des pièces, en créant un Art. 33-1 au sein du décret du 17 mars 1967 qui fait obligation à l'ancien syndic, de transmettre ces documents accompagnés, d'un bordereau récapitulatif, dont une copie est remise au conseil syndical.

Les pièces concernées sont notamment les suivantes :

- règlement de copropriété et de l'état descriptif de division de l'immeuble, avec leurs modificatifs éventuels ;

- la liste à jour des copropriétaires de l'immeuble ;

- les conventions conclues par le syndic soit avec des copropriétaires, soit avec les fournisseurs (contrats d'entretien, marchés de travaux et de fournitures) soit avec des propriétaires voisins (constitution de servitude, acquisitions ou aliénations...) ;

- l'historique des comptes des copropriétaires, grands livres d'immeubles, relevés bancaires et factures d'honoraires de syndic pour suivi de procédure car ces documents ont bien trait à l'administration et à la gestion de la copropriété (CA Paris, 14e ch., 4 juill. 1997 : JurisData n° 1997-021745) ;

- les dossiers de procédures dans lesquelles le syndicat est partie ;

- les registres des procès-verbaux des assemblées générales, avec leurs annexes (feuilles de présence, notifications...) ;

- les documents d'urbanisme concernant l'immeuble que le syndic aurait pu détenir (Cass. 3e civ., 10 oct. 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. 493 ; inf. rap. copr. déc. 1990, p. 352) ;

- Lorsqu'une copropriété a été gérée par deux syndics successifs au cours de la même année, chacun d'eux doit fournir des documents comptables distincts pour l'approbation de leurs comptes respectifs (CA Aix-en-Provence, 6 mai 1997 : JurisData n° 1997-044437).

Dans le délai de deux mois qui suivent l'expiration du délai précédent, soit à l'échéance d'un délai de trois mois depuis la cessation de ses fonctions, l'ancien syndic doit remettre à son successeur :

- le solde des fonds disponibles après apurement des comptes

- l'état des comptes des copropriétaires

- l'état des comptes du syndicat

* Absence de validité du droit de rétention pour l'ancien syndic :

Compte tenu du caractère impératif du texte de l'Art. 18-2, l'ancien syndic ne peut s'opposer à la remise des archives et des fonds du Syndicat, à son successeur, en invoquant notamment, un quelconque droit de rétention, du fait de sa qualité de créancier (CA Béziers, 26 mars 1986 : Rev. loyers juin 1987, p. 344. - CA Paris, 31 janv. 2007 : JurisData n° 2007-324814. - G. Vigneron : JCP N 1986, I, p. 77. - J. Lafond et B. Stemmer, Code de la copropriété, Litec 2008, L., art. 18-2).

Cette solution s'explique principalement par le fait que les archives, au sens large du terme, sont l'unique propriété du syndicat.

C. La question des frais de transmission des archives, par l'ancien syndic

Le syndic sortant n'est pas fondé à réclamer au syndicat des copropriétaires, d'honoraires particuliers au titre de la transmission des documents et archives (CA Paris, 19e ch., 21 oct. 1992 : Loyers et copr. 1992, comm. 494. - CA Paris, 19e ch., 26 juin 1998 : JurisData n° 1998-793402. - CA Paris, 19e ch., 17 juin 1999 : Loyers et copr. 1999, comm. 301. - CA Paris, 31 janv. 2007 : JurisData n° 2007-324814).

Cette solution s'impose principalement en raison du fait que cette remise, correspond à une obligation légale impérative.

On précisera d'ailleurs qu'après un avis du conseil national de la consommation (CNC), un arrêté du 19 mars 2010 a fixé la liste des tâches de gestion courante devant être nécessairement incluses dans le forfait dans le contrat de syndic, lequel doit comprendre les honoraires de transmission des archives et des fonds du syndicat.

Ainsi, a été officialisée la distinction à effectuer entre la rémunération de la gestion courante et celle des prestations particulières, au nombre desquelles ne figure pas la transmission des archives.

II. Les actions disponibles, en cas de rétention abusive, par l'ancien syndic :

Comme nous l'avons vu plus haut, l'exécution de l'obligation incombant à l'ancien syndic, est garantie par une procédure spécifique, instituée par l'Art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, ainsi que par des sanctions.

A. la mise en oeuvre de la procédure

La procédure à l'encontre de l'ancien syndic débute par l'envoi d'une mise en demeure, qui doit être adressée sous forme recommandée avec demande d'avis de réception, à l'ancien syndic.

Précisons à cet effet qu'il est hautement préférable que cette lettre, vise expressément, l'Art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965.

Ensuite, si la mise en demeure reste "infructueuse", le syndic nouvellement désigné ou le président du conseil syndical pourra engager l'action, et solliciter, par voie d'assignation devant le Président du Tribunal de Grande Instance, statuant comme en matière de référé, d'ordonner sous astreinte, la remise des pièces et des fonds ainsi que le versement des intérêts dus à compter de la mise en demeure, sans préjudice de tous dommages et intérêts.

Cette procédure était, jusqu'à une modification législative récente, dévolue à la compétence du juge des référés du lieu de situation de l'immeuble.

Depuis la loi de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures du 12 mai 2009, cette compétence a été transférée au Président du Tribunal de Grande Instance, statuant comme en matière de référé. Il faut entendre qu'il s'agit désormais d'une procédure au fond qui n'est plus seulement provisoire, et permet par ailleurs au syndicat des copropriétaires, d'obtenir la condamnation de l'ancien syndic récalcitrant au paiement, dans certains cas, de dommages et intérêts.

Malgré la clarté et le caractère impératif du texte, sous sa forme ancienne et actuelle, on constate toujours des résistances de la part de certains syndics.

Il est utile de préciser à ce propos, que la charge de la preuve de la transmission des documents pèse sur l'ancien syndic, le syndic nouvellement désigné ne pouvant administrer la preuve d'un fait négatif, à savoir l'absence de réception de certains documents (CA Paris, 14e ch., sect. A, 18 févr. 2004, no 2003/15187 - Cass. 3e civ., 14 sept. 2005, no 04-13.724).

Il arrive par ailleurs que, certaines contestations sur la véracité des justifications comptables de l'ancien syndic, ne peuvent finalement se dénouer, que par le recours à une expertise comptable (Cass. 3e civ., 4 janv. 1990 : Loyers et copr. 1990, comm. 194. - CA Aix-en-Provence, 21 avr. 1988 : JurisData n° 1988-044976).

B. L'hypothèse de la liquidation judiciaire du syndic

Dans l'hypothèse possible et en tous les cas, déjà constatée à diverses reprises, de liquidation judiciaire de l'ancien syndic, la Cour d'Appel de Paris a estimé que le syndicat des copropriétaires échappe à l'application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 sur les procédures de redressement et de liquidation judiciaire, et ce, dans la mesure où les fonds détenus par le syndic sur un compte ouvert à son nom, ne lui appartiennent pas, étant uniquement gérés pour le compte du syndicat des copropriétaires, de sorte qu'ils doivent être restitués conformément à l'Art. 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, et ce, quand bien même le syndic n'aurait pas ouvert de sous-compte permettant une individualisation des fonds du syndicat (CA Paris, 3e ch., 6 oct. 1995 : Loyers et copr. 1996, comm. 91 ; RD imm. juin 1996, p. 279, obs. Giverdon).

C. La réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires

En premier lieu, et même si l'ancien syndic ne communique les archives et documents du syndicat, en cours de procédure, il a été jugé que l'astreinte peut être liquidée si la communication est postérieure au délai de deux mois prévu par l'Art. 18-2 ( CA Paris, 14e ch., sect. B, 17 déc. 2004, no 04/12470 - CA Paris, 14e ch., sect. A, 31 janv. 2007, no 06/14989).

Outre le paiement des intérêts dus à compter du jour de la mise en demeure adressée à l'ancien syndic, la rétention fautive de ce dernier peut justifier sa condamnation au paiement des dommages et intérêts supplémentaires, en raison d'un préjudice particulier que les intérêts de retard, seuls ne sauraient compenser (CA Paris, 8e ch., 12 févr. 1991 : JurisData n° 1991-020190. - CA Paris, 8e ch., 18 févr. 1992 : Administrer mai 1992, p. 45. - CA Paris, 8e ch., 28 juin 1995 : Loyers et copr. 1995, comm. 541. - CA Paris, 9 déc. 1999 : JurisData n° 1999-102737).

Cependant, il appartient au syndicat des copropriétaires, d'apporter la preuve du préjudice particulier causé par la carence de l'ancien syndic.

D. La mise en cause la responsabilité civile du syndic n'ayant pas transmis les archives

Dans l'hypothèse où le syndic précédent n'aurait pas transmis, malgré la procédure, les pièces d'archives du syndicat des copropriétaires, soit qu'il ne les avait plus, soit qu'il ne les avait jamais tenues, le litige alors se déplace sur le terrain de la responsabilité professionnelle du syndic, qui a manqué à ses obligations légales.

Le préjudice sera principalement apprécié dans la prise en compte des difficultés entraînées, dans la gestion de la copropriété, et notamment le recouvrement des charges (CA Paris, 23e ch., sect. B, 11 sept. 1992, no 91/010026: Loyers et copr. 1992, comm. no 493).